DISCOURS COMMÉMORATION 80 ANS DU 10 JUILLET 1944
Publié le lundi 22 juillet 2024 - Bélâbre
Laurent Laroche maire de Bélâbre:
Le 6 juin 1944, les forces alliées débarquent en Normandie, l’effet de surprise a joué.
Le 6 juin 1944 à Bélâbre, ici même sur cette place, plus de 300 résistants ont défilé pour marquer cette journée historique mais cela n’a pas été sans répercussion.
Les groupes de résistants ont alors pour mission de retarder l’avancée des troupes allemandes, il s’ensuit de nombreux sabotages et attentats contre l’ennemi. Ainsi à Scoury, un convoi est attaqué, deux allemands tués et ramenés à Bélâbre. Le maire Anatole Ferrant leur attribue une tombe au cimetière et la fait couvrir de fleurs.
Le 10 Juillet 1944, au petit jour, une opération de grand nettoyage est programmée, 600 hommes de la compagnie SS et des miliciens venant de Châteauroux, et 400 hommes venant de Bonneuil Matours du groupe SS Stenger.
Les attaques se succèdent, la commune d’Oulches semble être établie comme le PC de commandement allemand, le hameau de la Clavière est ciblé 3 résistants sont tués, le château de la Perrière est incendié, la commune de Lignac est aussi touchée, 2 résistants tombent sous les balles et 6 résistants sont tués au bois de Paillet.
En début d’après-midi, les détachements de l’armée SS envahissent la commune de Bélâbre. Près de 1600 hommes ont pour tâche de punir Bélâbre.
Le Maire Anatole Ferrant doit faire exécuter l’ordre, rassembler tous les hommes de 14 à 70 ans, sur la place, entre la Boucherie Moreau à l’époque et l’église.
C’est le garde champêtre Aufour qui se charge de faire l’annonce.
Les hommes sont rassemblés, Anatole Ferrant et l’abbé Pigeaud négocient, argumentent, avec l’occupant nazi. Pendant plus de 5 heures, ils tentent d’infléchir la décision du colonel. Pendant ce temps les officiers se font servir un repas à l’auberge de l’Ecu.
Ils vont alors jusqu’au cimetière montrer au commandant SS, les deux tombes fleuries des soldats allemands tués à Scoury quelques jours auparavant.
Anatole Ferrant déclare « tous ces gens sont innocents, s’il y a un responsable c’est moi, fusillez moi et faites leur grâce », le curé Pigeaud croyant que tout est perdu dit aussi « fusillez moi aussi mais faites leur grâce ».
Devant la détermination de ces deux interlocuteurs, l’officier SS se sent convaincu et donne l’ordre de quitter les lieux, ils vont cependant ripailler à l’hôtel de l’Ecu, on imagine l’angoisse des Bélâbrais pendant ces instants. Bélâbre est sauvé !
Le soir même et le lendemain matin, après le départ des nazis, les hommes du village sont allés à la rencontre des cadavres laissés sur les bords des routes, dans les champs. Ils ont été ramenés ici sur cette place devant le monument aux morts de la grande guerre. La solidarité des Bélâbrais a encore une fois été prouvée.
Bélâbre sauvé oui mais il ne faut pas oublier à quel prix, le prix du sang de celles et ceux qui se sont battus pour la Liberté de notre peuple et de notre pays. Ceux qui sont tombés ce même jour, à la Clavière, à Lignac, aux Descents, à Ciron, et dans le bois de Paillet.
Ceux- là mêmes qui avaient répondu à l’appel du Général de Gaulle, relayé par Jean Moulin sur le territoire.
Des femmes et des hommes qui portaient haut les valeurs de notre république, souvenons- nous de celles et ceux qui sont entrés au Panthéon de l’Histoire, mais souvenons- nous aussi des anonymes, des humbles, qui par leurs actions ont permis la défaite des occupants et la victoire des alliés.
Je pense aujourd’hui tout particulièrement en ce 80ème et triste anniveraire à Marcelle Nibodeau, à Guy Bret, à Jean Arnaud, à René Rabussier, à Roland Vaucelle, aux familles Rabussier, Brissonnet, Beillon, Laforêt, Reix, Réginaud. Je salue aussi la mémoire du Capitaine Louis Doyen et à l’ensemble de ces femmes et hommes de Bélâbre pour qui la Liberté n’avait pas de prix.
Le 14 Juillet 1946 une stèle a été inaugurée en mémoire des otages qui furent rassemblés à cet endroit.
Je salue la mémoire des hommes du groupe de Guy Lebon, des groupes Baptiste et Gilles.
Aujourd’hui il est plus que nécessaire de dire à la jeunesse qui étaient ces femmes et ces hommes ? Ces gens qui venaient de tous horizons politiques, religieux, de toutes convictions, et de tous les métiers ; ils étaient la France, la France du courage, la France déterminée, la France des valeurs républicaines, d’égalité, de Fraternité et de Liberté.
Ils ont permis la victoire de la liberté sur le totalitarisme, ils ont permis aux troupes alliées venant d’Angleterre, des Etats Unis d’Amérique, du Canada et d’Afrique de faire capituler l’Allemagne nazie.
Hommage à eux et aujourd’hui nous parcourons les sentiers à la rencontre des stèles qui marquent comme des cicatrices cette terre de résistance.
Et Malraux dira toujours :
L'hommage d'aujourd'hui n'appelle que le chant qui va s'élever maintenant, ce chant des Partisans que j'ai entendu murmurer comme un chant de complicité, puis psalmodier dans le brouillard des Vosges et les bois d'Alsace, mêlé au cri perdu des moutons des tabors.
Ecoute aujourd'hui, jeunesse de France, ce qui fut pour nous le chant du malheur. C'est la marche funèbre des femmes et des hommes qui ont osé. C’est la marche funèbre de leur long cortège d'ombres défigurées. Aujourd'hui, jeunesse, puisses-tu penser à ces femmes et ces hommes martyrisés. Aujourd’hui ils sont encore le visage de la France.
C’était les Résistants…C’est les résistants… Ce sera les résistants et nous sommes garant de leur mémoire et de leur héritage.