INFOS ÉCOULEMENT EAU

Publié le vendredi 27 juin 2025 - La Haye

Suite à la demande de certains riverains qui se reconnaitront !

 

Ruissellement des eaux : qui est responsable lorsque le voisin, la voie publique et votre propriété sont impliqués ?

Lorsqu’un propriétaire subit des dommages dus à un écoulement d'eau provenant d'un terrain voisin, qui transite par la voie publique avant de finir sa course chez lui, la détermination des responsabilités peut s'avérer complexe. En droit français, plusieurs acteurs peuvent voir leur responsabilité engagée : le voisin à l'origine de l'écoulement, la commune en tant que gestionnaire de la voirie, ou une responsabilité partagée.

Le principe de base : la servitude naturelle d'écoulement des eaux

Le Code civil, en son article 640, établit le principe de la "servitude d'écoulement des eaux". Selon cet article, les terrains situés en contrebas (fonds inférieurs) sont tenus de recevoir les eaux qui découlent naturellement des terrains plus élevés (fonds supérieurs). Le propriétaire du terrain inférieur ne peut donc pas construire d'ouvrage (digue, remblai...) pour empêcher cet écoulement naturel.

Cependant, ce même article précise que le propriétaire du fonds supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur. C'est ce point qui est déterminant dans notre cas.

La responsabilité du voisin, propriétaire du fonds supérieur

La responsabilité du voisin de qui l'eau provient sera engagée s'il est prouvé qu'il a aggravé l'écoulement naturel des eaux. Cette aggravation peut résulter de diverses actions :

Imperméabilisation des sols : la construction d'une terrasse, d'une allée goudronnée, ou l'agrandissement d'une habitation augmentent la surface de ruissellement et peuvent concentrer l'eau vers un point précis.
Travaux de drainage ou de canalisation : la collecte des eaux de pluie dans des systèmes qui les rejettent en un seul point vers la voie publique peut créer un débit plus important et plus dommageable.
Modification du relief naturel du terrain : des travaux de terrassement peuvent modifier la pente naturelle et diriger les eaux vers un endroit où elles ne s'écoulaient pas auparavant.

Il est à noter que selon l'article 681 du Code civil, tout propriétaire doit faire en sorte que les eaux pluviales qui tombent de son toit s'écoulent sur son propre terrain ou sur la voie publique, mais il ne peut les faire verser directement sur le fonds de son voisin.

Si l'écoulement sur la voie publique est le simple résultat de la configuration naturelle du terrain du voisin, sans intervention de sa part, sa responsabilité est en principe écartée.

La responsabilité de la commune gestionnaire de la voie publique

La commune a une obligation d'entretien normal de ses voies publiques. Sa responsabilité peut être engagée si un défaut d'entretien a contribué à causer ou à aggraver le dommage. Plusieurs situations peuvent mettre en cause la municipalité :

Un réseau d'évacuation des eaux pluviales sous-dimensionné ou mal entretenu : si les caniveaux, grilles ou fossés sont bouchés ou insuffisants pour absorber le flux d'eau, et que cela provoque une redirection ou un débordement vers la propriété privée, la commune peut être tenue pour responsable.
Des travaux de voirie ayant modifié l'écoulement : si des travaux récents sur la chaussée ont créé une nouvelle pente ou supprimé un exutoire pour les eaux pluviales, dirigeant ainsi le flux vers la propriété du plaignant, la responsabilité de la commune est engagée.

Le riverain doit supporter les inconvénients normaux du voisinage d'une voie publique. Cependant, si le dommage subi est anormal, c'est-à-dire qu'il excède les nuisances habituelles, la responsabilité de la collectivité peut être recherchée, même sans faute de sa part, sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques.

Le "trouble anormal de voisinage"

Indépendamment de la violation d'une règle précise, la jurisprudence a développé la théorie du "trouble anormal de voisinage". Même si le voisin ou la commune respecte la réglementation, ils peuvent être tenus pour responsables si l'écoulement de l'eau cause à la propriété voisine un dommage qui excède les inconvénients normaux du voisinage (inondations répétées, humidité persistante, etc.).

Démarches à entreprendre pour la victime

Face à une telle situation, le propriétaire lésé doit agir par étapes :

Constituer un dossier de preuves : il est essentiel de rassembler des photos, des vidéos, des témoignages de voisins, et de faire constater les dégâts par un commissaire de justice (anciennement huissier de justice).

Un constat d'expert d'assurance peut également être utile.
La démarche amiable : dans un premier temps, il est conseillé de discuter avec le voisin pour l'informer du problème et rechercher une solution amiable. Si la discussion n'aboutit pas, l'envoi d'une lettre de mise en cause, puis d'une lettre de mise en demeure par courrier recommandé avec accusé de réception est l'étape suivante. Il est également possible de faire appel à un conciliateur de justice, une démarche gratuite.
Mise en cause de la commune : parallèlement, il convient d'adresser un courrier recommandé avec accusé de réception au maire de la commune pour signaler le problème, demander une intervention de leurs services techniques pour constater la situation de la voirie et solliciter les mesures nécessaires pour mettre fin au trouble.
L'action en justice : si les démarches amiables n'aboutissent pas, une action en justice peut être engagée.
Contre le voisin : le litige relèvera du tribunal judiciaire. Le recours à un avocat est souvent indispensable pour engager une procédure pour trouble anormal de voisinage ou pour non-respect des obligations du Code civil.
Contre la commune : le litige relèvera du tribunal administratif. Il s'agira de prouver le lien de causalité entre le dommage et le défaut d'entretien de la voie publique.

Dans de nombreux cas, une expertise judiciaire sera ordonnée par le tribunal pour déterminer l'origine exacte des écoulements et répartir les responsabilités entre le voisin et la commune.

Publié par JM Gaillon