Le Monument aux morts

Le deuil et l’art. : LAVARDAC ET SON MONUMENT AUX MORTS.

Il fait partie des monuments de Lavardac. Comme la Mairie, placée en face, il représente l’attachement des habitants pour leur ville et les douloureux moments qui ont marqué, de 1914 à 1918, l’histoire de leurs familles. C’est le monument aux morts.

Les deuils de la Grande Guerre ont déterminé les communes à rendre hommage à leurs morts pour la Patrie. Dans les années 1920-1925, ce sont quelques 36 000 monuments aux morts qui sont érigés, malgré les difficultés pour reconstruire le pays. L'État intervient pour accorder des subventions et réglementer les édifications. Les souscriptions populaires couvrent parfois la totalité des dépenses.

A Lavardac, les habitants s’honorent de participer financièrement à son édification. Dans la souscription lancée, nous trouvons la participation d’Armand Fallières. Ce dernier n’est plus, depuis 1913, président de la République. Mais déjà, à l’époque, son intelligence et sa sensibilité, sa présence dans le monde politique lui ont fait comprendre, bien avant l’attentat de Sarajevo, que la situation internationale allait vers un conflit aux dimensions encore insoupçonnées.

Revenu dans son Lot et Garonne, il n’hésite pas à héberger des soldats blessés. Les pertes humaines sont massives lors de cette guerre. En France, on dénombre 1,4 million de morts et 3 millions de blessés sur 8 millions de mobilisés, pour une population de 40 millions d'habitants. Lavardac voit disparaître approximativement 110 soldats, sur une population de 2 250 habitants. La commune perd environ 5 % de sa population par la guerre.

Cela amène, le plus souvent, non à glorifier la victoire, mais à honorer ceux qui ont perdu la vie. Cette réaction explique pourquoi la majeure partie des monuments aux morts est édifiée à l’initiative des anciens combattants. 

Leur motivation lorsqu’ils se battaient, souvent dans des conditions épouvantables, était l’espérance que cette guerre soit la dernière, « la Der des Ders ». Leur sacrifice ne doit pas être vain ; les monuments sont aussi là, dans une certaine mesure, pour le rappeler. Il n'est donc pas étonnant de trouver ces lieux de mémoire partout dans les départements, même éloignés des conflits, et même dans les anciennes colonies.

La commune de Lavardac décide de prendre contact avec le sculpteur Daniel-Joseph Bacqué. Ce dernier est né à Vianne le 20 septembre 1874. Son père est ébéniste d'État chargé de la restauration du mobilier national. Daniel monte à Paris, entre dans l'atelier de Bourdelle et expose aux Artistes Français à partir de 1900. Il obtient de nombreux prix dont la médaille d'or en 1922. Il se lie d'amitié avec le peintre Raoul Dastrac, Gascon comme lui. Leurs ateliers sont voisins dans la rue du Pot de Fer, derrière le Panthéon. Bacqué mourra, à Paris, à la suite d'un cancer en 1947, après avoir détruit toutes les œuvres qui lui restaient.

Présentons le monument qu’il a laissé aux Lavardacais : A Lavardac, le terrain est acheté par la commune en 1921. C’est en 1922 que l’on décide que ce sera le sculpteur Daniel Joseph Bacqué qui édifiera un monument. Il présente des ébauches. Et l’on choisit. Le monument aux morts de Lavardac représente une

femme casquée. Elle tient une lance et porte un bouclier. Deux petits canons, de discrète dimension, actuellement de couleur bleue, encadrent la statue.

Elle représente « la France qui avant de déposer ses armes victorieuses se recueille dans le souvenir de ses morts ».

Monument aux morts de Lavardac

En fait, elle montre une République antique appuyée sur une lance, un bouclier à l’épaule et drapée d’une toge, penchée vers les colonnes où sont inscrits les noms des morts pour la France de la commune. Sur deux d’entre elles, sont posés casques et couronnes de laurier en bronze. Les deux crapouillots sont de chaque côté. Qu’étaient les crapouillots ? C’était le surnom donné par les poilus lors de la guerre de tranchées à un mortier, un canon petit et trapu, faisant penser à un crapaud. Il a un rôle important, en 1918, dans la destruction des premières lignes allemandes. Bacqué est l'auteur des monuments aux morts de Lavardac, de Vianne, de Feugarolles, d’Aiguillon et d’Agen… Il sculpte les statues de Jacques de Romas à Nérac, de Fallières à Mézin. Ces statues en bronze disparaissent, sont fondues sous l’Occupation. Autre guerre… Il réalise le médaillon de Mounet-Sully de la façade de la Comédie-Française rue de Montpensier, à Paris. Il est le décorateur du Théâtre d'Agen. Il est connu pour la statue du Trocadéro : la Femme

Bacqué, né à Vianne, Raoul Dastrac, né à Aiguillon, et Bourdelle né à Montauban, se sont retrouvés à Paris. Ils ont recréé là-bas l’ambiance du sud de la France qu’ils avaient connue et aimée. La guerre de 1914-1918 est le douloureux évènement qui leur a permis de se faire connaitre et apprécier. La vie s’est écoulée. Leurs destins leur ont permis d’être sensibles aux recherches artistiques du début du XX° siècle. Dans leurs domaines, ils ont porté haut leurs talents et l’amour de leur Midi.

Lavardac garde en ses murs la preuve du passage de l’un d’entre eux… Qu’aurait pensé le sculpteur de l’éclat de lumière qui accroche le regard lorsque l’on passe, par Lavardac, quand le ciel se fait sombre ? Il aurait aimé les trois couleurs symboliques de de la France qui éclairent le monument aux morts de Lavardac… son monument aux morts.

Janine Sestacq, professeur agrégé