L'Abbatiale

L'abbaye Saint-Pierre de Beaulieu-sur-Dordogne est une abbaye bénédictine située à Beaulieu-sur-Dordogne dans le département de la Corrèze.

Les débuts de l'histoire de l'abbaye sont connus grâce au Cartulaire de l'abbaye de Beaulieu. De leur lecture, Maximin Deloche en a déduit que la fondation de l'abbatiale date de 8552 par Raoul (ouRodulfe) de Turennearchevêque de Bourges, sur des terres appartenant à son père, Raoul ouRodulfe de Turenne, vicomte de Turenne, plus vraisemblablement comte de Quercy3, dites Bellus Locus (d'où Beaulieu)4. Ayant été formé à l'abbaye de Solignac, il a fait venir douze moines de cette abbaye. Pour permettre le développement de l'abbaye, il lui fit des dons pris sur ses biens et offrit des reliques de saint Prime, de saint Félicien et sainte Félicité qu'il s'était procuré à Rome. D'autres membres de la famille de Turenne firent des donations. L'archevêque de Bourges Frotaire achète le domaine d' Orbaciacus (aujourd'hui Le Saillant) qu'il donne à l'abbaye de Beaulieu en août 887. Le roiEudes confirme les donations des archevêques de Bourges Raoul et Frotaire à l'abbaye5.

Le monastère fut prospère au siècle suivant grâce à ses importants domaines et à la possession de reliques qui attiraient les pèlerins.

Une charte indique qu'on travaille sur le cloître en 971. Une église existait très probablement déjà. Les fouilles faites dans l'abside de l'église en 1966 ont permis de retrouver des traces de bâtiments du ixeou xe siècles et xie siècle. Certains éléments de décor - linteaux en bâtière - semblent être des réemplois de l'édifice du xie siècle.

Mais au xie siècle, des désordres se produisirent dans l'établissement que convoitaient les seigneurs voisins de Castelnau. Hugues de Castelnau devint abbé laïc et spolia l'abbaye de certains biens. Il fut dénoncé par les moines devant le concile de Limoges en 1031, mais sans résultat. Il fut convaincu de placer le monastère sous l'obédience de Cluny en 1076. En 1095, il donna au pape Urbain II tous ses droits sur l'abbaye.

Dès lors, l'autorité et l'efficacité de la grande abbaye bourguignonne permirent à Beaulieu de connaître une période de stabilité, notamment sous l'abbatiat de Géraud II (1097-1119 ou 1130). Ce fut aussi, sans doute, un important moment de reconstruction6.

Nef

L'église est construite avant 1130 en commençant par le chœur, le transept et la dernière travée de la nef. À partir de 1160 est commencé le côté sud de la nef avec le porche méridional. Puis on continue par le bas-côté nord de la nef. La façade occidentale, la première et la seconde travée ne sont terminés qu'au xiiie siècle. Le portail de la façade est probablement du deuxième quart du xiiie siècle. Le clocher situé à l'angle sud-ouest de la façade est du xive siècle. Certains historiens en attribuent la construction aux bourgeois de la ville voulant s'affranchir du pouvoir de l'abbé sur la cité. Les bâtiments sont plusieurs fois remaniés postérieurement, ainsi que le cloître.

Bien qu'à l'écart des grandes routes, l'établissement est au xiie siècle, une étape sur le chemin de Rocamadouret de Compostelle4 qui est une variante de la route venant de Vézelay et Limoges.

L'union avec l'abbaye de Cluny cesse en 1213 à la mort de l'abbé Gaubert (1205-1213).

Avec la fin de cette union vont recommencer les périodes de troubles avec les seigneurs locaux, en particulier, les vicomtes de Turenne. Ces derniers vont s'allier avec les bourgeois de Beaulieu contre l'abbé. Celui-ci va alors s'allier aux Castelnau pour résister. Mais à la fin de la guerre de Cent Ans, il doit abandonner toutes ses prérogatives.

En 1445 apparaît le premier abbé commendataire, Pierre de Comborn. La décadence de l'abbaye va alors être rapide.

La cité de Beaulieu, constituée autour de l'abbaye, eut beaucoup à souffrir des Guerres de religion. Marchands et gabariers qui assuraient la prospérité économique de la ville passent à la Réforme. En 1569, la cité était au pouvoir des Huguenots qui entourèrent l'abbatiale de constructions afin de la masquer. Les moines s'enfuient et se réfugient au château d'Astaillac en 1574 après un second pillage. L'église devient même un temple réformé entre 1569 et 15864.

Les moines retrouvent leur abbaye en 1586 après la reprise de la ville par la Ligue catholique. Cependant, les moines n'ayant plus de bâtiments monastiques doivent loger en ville.

En 1663, l'abbé Emmanuel-Théodose de la Tour d'Auvergne remet l'abbaye aux mauristes. Ceux-ci entreprennent de réformer l'abbaye et de relever les bâtiments claustraux entre 1683 et 1699.

Au début de la Révolution, il ne reste plus que six moines. Vendue, l'abbaye n'échappera pas à la démolition7. Seule l'église est épargnée.

En 1808, les voûtes des deux premières travées de la nef s'effondrent.

Chevet dégagé par M. Chaîne

Anatole de Baudot va faire des travaux dans l'abbatiale entre 1881 et 1883 : une nouvelle couverture et les voûtes qui s'étaient effondrées.

En 1889, il refait la voûte du porche sud.

L'architecte Chaîne, successeur d'Anatole de Baudot, fait démolir trois maisons pour dégager le chevet avant la restauration de l'abside.

Aux XIXème et XXème siècles, l'abbaye est multiplement protégée au titre des monuments historiques : classement de l'abbatiale par la liste de 1862, classement des terrains attenants en 1934 et inscription des vestiges de l'abbaye en 1965.