HISTORIQUE DE SAINTE-PIENCE

Sainte Pience (1327) - Santa Pientia (1412).
Selon François de Beaurepaire, Patientia, qui deviendra Sainte-Pience, patronne de la paroisse, fut martyrisée à Gasny (Eure) pour avoir inhumé le corps de Saint-Nicaise, 1er Évêque de Rouen.
Dans le Vexin, peut-être au IIIème siècle, les saints Nicaise, prêtre Quirin et Scubicule, martyrs, qui furent, croit-on, les premiers évangélisateurs du pays entre l'Oise et l'Epte, et dont les corps furent recueilles par Sainte-Pience (source Nominis, église catholique en France).
Un de ses évêques d'Avranches obtint une portion de reliques et plaça l'église sous son vocable. Rémy Villand précise que pendant la Révolution, Sainte-Pience fut débaptisée et nommée Sapience, jeu de mots tirés du latin Sapiens signifiant "Sagesse".

 


La Fontaine Saint Armel, située sur le parking de l'église, elle doit son nom à l'ancienne chapelle Saint Armel et on y évoquait le Saint pour des maladies infantiles notamment les retards de la marche.

                                         


















Sainte-Pience était du doyenné de Tirepied et fit encore partie du canton de Tirepied de 1790 à 1800. Quand on supprima le canton de Tirepied, cette paroisse fut réunie au canton de La Haye-Pesnel.
Sainte-Pience dépendait de la Sergenterie de Ponts. L'Évêque d'Avranches et était le seigneur, patron présentateur ; il y possédait les deux tiers des grosses dîmes, le château du Parc et le bois.
Le bois du Parc s'étendait primitivement sur plus d'un tiers du territoire de Sainte-Pience, mais les évêques en aliénèrent peu à peu une grande partie, en sorte que dans les derniers siècles, il avait considérablement diminué, les parties vendues ayant été défrichées et mises en culture.

Cette commune dont le développement est du nord-ouest au sud-est et du nord-ouest au sud-ouest affecte la forme générale d'une équerre dont une des branches, celle du nord-ouest est terminée par une ligne concave, et dont l'autre s'amincit en une pointe allongée. Cette configuration irrégulière est tracée par des lignes de ruisseaux, de chemins et de limites idéales très variées dont le détail appartiendrait plutôt à une description qu'à une définition. Vers le centre est le bois royal du Parc qui coupe la route royale et où rayonnent  un grand nombre de routes droites. Il semblerait que l'église, voisine de la villa épiscopale, devrait se distinguer par plus d'art et de richesse. Toutefois, l'église de Sainte-Pience est une modeste petite église, une ecclesiola, surmontée d'une petite flèche qui n'a que l'apparence de l'art et de l'antiquité. L'arbre rond d'une croix et des restes de vitrail, replacés dans la fenêtre du chevet, sont tous ses témoins du passé ; elle appartient en général au XVIIème et au XVIIIème siècle. La tour qui porte cette inscription : "Julien Loisel du Gas ma fait 1637", reçoit un certain caractère de son temps des italiennes qui la couronnent et une certaine physionomie gothique de sa flèche pentagone en pierres avec ses baies saillantes surmontées d'un petit gable, qui reproduisent le porche. Notes historiques et archéologiques (sources : Avranchin monumental et historique, Volume 2, par Edouard Le Héricher - canton de La Haye-Pesnel, pages 125 à 130) - texte de 1847.

En 1739, on a fait placer dans le coeur de l'église de Sainte-Pience une statue de Sainte-Pience et une de Sainte Catherine, qui ont esté faites a Dinan par Du Rocher qui les a vendues 160 livres chez luy. Il a coûté viron 12 livres de port et d'emballage. Selon Gabriel Ligot, (revue de l'Avranchin 1959), ces statues furent remplacées dans le choeur par deux statues des mêmes saintes, plus modernes pour l'époque, et plus en harmonie avec le maître-autel daté de 1857. Les anciennes statues furent placées sur les deux piliers d'entrée du cimetière, les murs de celui-ci ayant été élevés de 1744 à 1754. Aujourd'hui, ces très belles statues sont en restauration pour être replacées par la suite dans l'église, et des moulages en résine. Celle de droite est celle de Sainte Catherine d'Alexandrie, torturée sur une roue par l'empereur romain Maxence, puis décapitée. Représentée tenant une roue dans sa main gauche, fêtée le 25 novembre, elle est la patronne des filles célibataires et des philosophes. Celle de gauche, est dite de Sainte Pience. Selon M. l'abbé Datin, elle pourrait être celle de Catherine de Suède (1330-1381). Ces deux saintes personnifient en effet la sagesse, et en latin Sagesse s'écrit sapienta, et l'on reconnaît le nom de Sainte-Pience.

Le Cimetière

Le bénitier de la barrière du cimetière est un détail curieux. Les passants remarqueront sa hauteur inhabituelle au-dessus du sol. Il permettait aux gens passant à cheval devant l'église, de prendre de l'eau bénite et de se signer sans descendre de monture. Les murs entourant le cimetière de Sainte-Pience furent bâtis de 1744 à 1754. La plus grande partie du mur fut tirée du cimetière lui-même, "dans la partie nord, vis-à-vis des vitres du choeur, jusqu'à la vitre de la chapelle où la pierre paraissait finir". Elle fut tirée de terre par Jean Charbonnel et Michel Herbert. En juillet 1744, Julien Gouix travailla aux murs treize journées. La partie "sur le chemin depuis le coin devant la grange jusqu'à l'escalier proche la rivière fut bâtie du commencement d'août au 3 septembre 1744", par Jean Lefeuvre, de Sainte-Pience, avec ses ouvriers. Ils étaient payés 10 sous par jour, et nourris. Ils firent 73 journées de travail. Du 24 mai au 1er août 1752, Joseph Herbin, "masson de Saint-Laurent-de-Cuves", et Guillaume Pichon (6 sous par jour), furent nourris au presbytère pendant tout le temps du travail. La nourriture coûta au curé 48 livres. La barrière du cimetière fut fait en chêne ; Guillaume Maincent, ses frères Jacques et Jean, y travaillèrent sept jours. La serrure de la barrière fut achetée le 27 juillet 1754, elle coûta 8 sous. L'ensemble des dépenses pour l'enclos du cimetière s'éleva à 150 livres et 1 sou.

 


Le presbytère

François Le Cerf écrit en 1756 : Le presbytère a été rebâti en l'été et en automne
Et Julien Fortin écrit en 1775 : Le salon du presbytère de Sainte-Pience avec les deux croisées sur la cour, le pignon du côté du levant avec les deux cheminées qui y sont, ont été faites par Marcellier du brochet du gast, le carreau a été piqué par Lamberdière de La Mouche, et la menuiserie du dit prébitaire a été faite par un nommé gilbert menuisier de St nicolas des bois, la charpente a aussi été toute faite à neuf par julien du chemin du pont, et julien et jean maincent frères de la dite paroisse ont débité le bois et fait les clouaisons la serrure a été faite partie par boullengerie de la trinité, partie par la fontaine lemoussu de brécey, les vitres ont été fournies par renée le Jaqueys de brécey, la poulfrisures et blanchitures faites par françois loyvet de Ste Cécile, et le plafond du salon par un des compagnons de millecent qui a fait ceux du château du parc. En 1781 - j'ai fait faire l'écurie de ce lieu, le pressoir et la cave avec la chambre et le cabinet qui sont sur la dite cave, toutes ces batisses m'ont coûté 1 000 livres au moins. En 1782 - j'ai fait faire la boullangerie du presbitaire de Ste pience - Le Presbytère actuel confirme ces écrits : le linteau de la porte est gravé 1756 JA LE JAMETEL PC 1683 et le linteau de la fenêtre de droite JUL FORTIN C 1775. Les deux cheminées à l'Est ont disparu, le presbytère ayant été malheureusement raccourci de ce côté lors de l'élargissement de la route. L'escalier de pierre est très beau, la boulangerie existe toujours, équipée d'un réchauffoir à droite du four.

 


Le village du Parc, sur Sainte-Pience

D'après les archives communales de Ste Pience, la population de Ste Pience était de 674 habitants, au hameau du Parc exerçaient 7 aubergistes, 3 menuisiers, 2 charrons, 2 bourreliers, 2 forgerons, 2 boulangers, 2 moulins à blé, 1 cordonnier, 2 bouchers, 1 horloger, 1 teinturier, 8 marchands d'épicerie et divers, 2 maçons et 2 tailleurs de pierres. Sur Ste Pience, on recençait 150 agriculteurs, une quinzaine de journaliers, quelques propriétaires (vivant de leurs biens) et beaucoup de domestiques et servantes vivant au château. 70 élèves dans les 2 écoles de Ste Pience.


(ci-dessous des vues de la route de Villedieu, route de Braffais, route de La Haye-Pesnel, d'une ancienne carrière, et l'ancienne mairie)   

 

 

                                                                                                                                                            



 

















 














 



 

HISTOIRE DES CHATEAUX ET DU VIEUX LOGIS

 

L'ancien château

1 - Régime

Après les puissants comtes de Mortain et de Chester, les plus grands seigneurs de la région étaient les évêques et les barons d'Avranches. La baronnie d'Avranches comprenait les anciennes baronnies de Ponts et du Parc et s'étendait sur trente paroisses, elle renfermait entre autres, le château du Parc, les fiefs de Braffais, de Plomb et de La Champagne.
Les terres situées entre le château primitif et la limite ouest de la commune de Sainte-Pience, dépendaient soit du château, soit de l'église.

a) Le Premier château
    ► La fondation du château du Parc remonte à Jean III, évêque d'Avranches de 1060 à 1069, neveu du duc Richard I de Normandie. Le terrain avait déjà été donné aux évêques d'Avranches par Hugues le Loup ou Robert le Magnifique. Jean III entoura de murs et de fossés l'habitation qu'il avait fait construire ainsi que les terres reçues de Baudoin de Moles. Ce fut cette clôture qui fit donner à la maison de campagne des évêques, le nom de Parc, puis celui de Manoir du Parc -l'Evêque. Jean III réunit dans ce parc ces animaux privés (des cerfs en particulier). Bien qu'elle fut fortifiée, ce n'était pas une place forte de grande importance, plutôt une maison de plaisance. Nommé archevêque de Rouen en 1069, Jean III laissa cette propriété à ses successeurs qui en jouirent jusqu'en 1790.

 

    ► Références des numéros portés sur le plan ci-dessus

       1 : le colombier
       2 : le corps de garde
       3 : étable
       4 & 5 : cave et écurie, surmontées de chambres et greniers
       6 & 7 : celliers et salle
       8 : offices, cuisines et une chapelle probable
       9 : chambre de l'aumônier, fruitier et autre chapelle probable (à une autre époque)
      10 : galerie ou péristyle
      11 : escalier à pants
       A : grande chaussée pavée de grais
       B : petite chaussée
       C : chaussée menant de la porte d'entrée au bas de l'escalier (11)
       D : grande cour
       E : cour des cuisines
       F : jardin fruitier

    ► Repères chronologiques

- 1157 : Henri II, roi d'Angleterre et Louis VII, roi de France, réunis à Avranches pour renouveler leur alliance, descendent au château du Parc (Charles Guérin)
- 1419 : Avranches étant prise le 14 juillet 1418, le château du Parc fut attaqué et pris par les Anglais. Ils le perdirent peu après, puis le reprirent, aucun des deux partis n'étant assez fort pour conserver sa conquête.
- 1423 : l'effectif de la garnison anglaise du "Parc de L'Evêque" était de 13 hommes (neuf à cheval et quatre à pied) et 39 archers (Chronique du Mont Saint Michel par Siméon Luce p.154)
- 1425 : les Anglais sont repoussés jusqu'au Parc par des troupes bretonnes qui se heurtent à trop grand nombre et subissent l'échec.

b) Le deuxième château

- 1495 : la reconstruction. Quand les français reprirent la place après l'évacuation anglaise, elle était fort endommagée. L'évêque Louis de Bourbon la fit entièrement reconstruire et fortifier de nouveau. La nouvelle construction semblait dépasser l'ancienne en beauté :
- "Arcem in castro de Parco mangificentissime a fudementis et erexit" (Robert Cenalis Act. St Eccl. Abric p.478).
- "Un beau château construit par Louis de Bourbon" (François Desrues, Descript. de la France).
- "Le château du Parc clos de murs, d'avenue, d'étangs, et en état de demeure, dans lequel il y a une chapelle" (Pigeon p.167).

 

 


La chapelle du château est dédiée à St Jean.

Repères chronologiques et réparations diverses

Pendant la période qui sépare la Guerre de Cent ans et les guerres de religion, la garde du château est confiée aux paroissiens de Sainte-Pience, Plomb et Braffais.
- 1590 : le château fut dévasté par les Huguenots qui s'y établirent pendant quelques temps.
- 1652 : après les dommages causés par les guerres de religion, le château nécessitait d'importantes réparations. Mgr Gabriel de Boislève, évêque d'Avranches, ne voulut pas s'en charger et trouva plus simple de détruire les fortifications. Il resta encore les murs d'enceinte, le gros pavillon d'entrée avec pont-levis et quelques bâtiments près des douves.
- 1754 : sous l'épiscopat de Mgr Durand de Missy, furent faites de considérables réparations ; un pont de pierre remplaça le pont levis. Le plan approuvé par le roi lui-même, obligea le prélat à vendre une grande partie du bois et trois fermes.

 


c) Le troisième château

Construction

Le manoir construit par Louis de Bourbon dans ce vallon sombre et humide ne convenait plus aux convenances d'un 18ème siècle "confortable". En 1768, Mgr de Malide obtint la permission d'abattre le château du Parc et d'en bâtir un autre près du bois.
On ne sait si les réparations commencées par Mgr de Missy avaient été achevées ; toutefois, l'ancien château ne fut pas abattu puisqu'il devait servir de garnison aux républicains pendant la révolution.
Les registres de 1769 portent :
"En cette année, on a bâti le nouveau château du Parc, et ensemencé le jardin en herbe. Les maçons, charpentiers et autres ouvriers y ont travaillé jusqu'à Noël". Ce nouveau château était situé en élévation à l'ouest de la route reliant Avranches à Villedieu. Ce n'était plus une forteresse, mais une demeure agréable, de construction régulière et d'où l'on pouvait voir le pays d'Avranches et la baie du Mont Saint Michel. Mgr de Belboeuf le fit achever et embellir, mais les circonstances ne lui permirent pas d'en jouir longtemps !

 


La vente nationale

En 1790, alors que le château est déclaré propriété nationale, le district d'Avranches dresse, sur ordre du Directoire, un état des biens dépendants de la seigneurie du Parc. Un an plus tard, une partie du domaine fut acheté par Mgr Doynel de Quincey (à savoir le château neuf, la grande ferme du Parc, les étangs...) et ce, pour 30 000 livres. A la même époque, ce qui restait de l'ancien château fut acquis par Mr Lottin de Lair, et les moulins de Sainte-Pience, du Parc et de Plomb, par le sieur Restout (pour 7 700 livres).

 

                Le chêne pédonculé visible dans les bois du Parc

Les chouans au Parc

Le château fut utilisé pendant la révolution comme place forte et une garnison y fut installée. Mr Desfeux, notaire retraité à Brécey, raconte une attaque des Chouans contre Le Parc dans son article sur la Révolution (Anecdotes, souvenirs, etc... sur la première Révolution". Extrait de l'annuaire du département de la Manche, 1889).

Extraits de l'article de Mr Desfeux.

Les premiers chouans firent leur apparition fin 1793 et début 1794. Ils se faisaient appeler "les Chasseurs du Roi", mais n'étaient que des bandes de brigands, voleurs, assassins. Ils incendiaient, volaient, violaient et massacraient, au nom du roi Louis XVIII et de la religion. Attaquant le château du Parc ces cinquante républicains, les "Chouans" comptaient sur une victoire aisée, mais trouvèrent les "bleus" barricadés dans le château et à l'abri des balles derrière les murs d'enceinte des cours et des jardins (ceux-ci étant garnis, comme ceux du château, de meurtrières d'où on tirait à couvert). N'osant s'approcher trop, ni tenter un assaut, ils se contentèrent de tirer de loin, à l'abri des haies et des fossés. Lorsqu'ils s'aperçurent, par le ralentissement du feu, que les "Chouans" avaient épuisé leurs munitions, les "bleus" firent une sortie qui effraya les Chouans et les mit en déroute. Cependant, craignant que cette fuite précipitée ne cachât une ruse faite à dessein de les attirer assez loin pour les encercler, ces mêmes bleus rentrèrent au château, en bon ordre et chantant victoire, laissant quelques blessés chez les "Chouans" ; pas un soldat dans les deux camps ne perdit la vie dans ce combat.

Depuis la Révolution

Réservé comme propriété de l'Etat, le bois du Parc fut vendu aux enchères publiques en 1819 par le sous-préfet d'Avranches, au nom de la Caisse d'amortissement (Loi du 13 mars 1817) M. Victor Busnel, acquéreur pour 85 619 francs, se vit adjuger la même année le château neuf et l'embellit. l'an 1841 voit la construction d'une chapelle sur le bord du grand étang par Mr Lottin de la Bochonnière, autorisée pour lui seul et ceux de sa maison (Ordonnance du ministre des cultes, datée du 30 novembre 1841).
Le nouveau château devint ensuite propriété de Mr Lecampion, armateur de Granville, puis de Mr Jonquier en 1861, qui acquit également le manoir élevé sur l'emplacement de l'ancien château. La famille Plaut acheta le tout à la fin du XIXème siècle. La famille Plaut est encore propriétaire du "nouveau château, de ses dépendances et des bois proches". Quand au "Vieux Logis", ancienne place de la maison de campagne de l'évêque Jean III, il appartient, ainsi que l'étang, à Mr Jouaudin Raymond.


 

LA CHAPELLE DU PARC

 

Voici des traces de l'état de propriété en 1754 

Château, chapelle, bâtiments et fermes qui en dépendaient avaient besoin de réparations considérables qui furent entreprises par l'évêque du moment Mgr Durand de Missy. C'est lors de ces travaux que le pont levis fut remplacé par un pont de pierre. Toutes les réparations furent faites selon un plan approuvé par le roi, lequel autorisait pour subvenir aux dépenses la vente des bois et de trois fermes, représentant la somme de 58 000 livres.

Pendant quatre années, de nombreux ouvriers vinrent travailler et s'établir à Sainte-Pience. Le chiffre de 160 est avancé. Ils travaillaient au défrichement du grand bois comme boisiers, charbonniers, sabotiers, charretiers, marchands... Quatre policiers furent installés pour maintenir l'ordre qui parfois dégénérait en disputes.

En 1756, le tonnerre tomba sur la tourelle de l'escalier du château.

En 1768, Mgr de Malide, le nouvel évêque, obtint l'autorisation d'abattre le château du Parc et d'en bâtir un nouveau, celui qui est encore présent aujourd'hui.

Ainsi disparut la célèbre résidence des évêques d'Avranches, qui dura sept siècles sur les bords de l'étang.

 


En 1784, la propriété épiscopale fut coupée par la création de la grande route Avranches-Villedieu. Le nouveau château se trouvait désormais à l'ouest, face à l'entrée de l'ancienne demeure démolie. Dans les mêmes moments était intronisé à la cathédrale d'Avranches, Mgr de Belboeuf qui continua l'oeuvre de son prédécesseur. Mais les événements ne permirent pas au nouveau prélat d'en jouir longtemps, étant donné que le pays entrait dans la période révolutionnaire. En 1790, la propriété allait être aliénée comme bien national. Le 3 novembre un état des biens de la seigneurie du Parc fut dressé par les officiers municipaux de la paroisse. A la tête de cette commission, figurait M. Fortin, le curé-maire. Les événements se poursuivaient car le 30 mai 1791, le district mettait en vente le château neuf, la grande ferme du Parc, les étangs et la petite ferme des Bouillons. Cet ensemble fut acheté par M. Doynel de Quincey pour la somme de 30 000 livres. Au mois de juillet les deux moulins furent vendus à leur tour au Sieur Restout pour la somme de 7 700 livres. Les bois du Parc furent réservés comme propriété d'Etat, mais furent vendus en 1819 et adjugés à M. Busnel, receveur général du département de la Manche pour la somme de 85 619 F. Ensuite, ce dernier acheta le château neuf. Puis la propriété passa à M. Lecampion, maire de Granville, puis à M. Jonquier, ancêtre de la famille Plaut, en 1860.

En 1791, cette autre partie fut vendue à Jean Hervé Antoine Lottin, sieur de Lerré, avocat du roi au baillage d'Avranches. Son héritier fut son neveu Louis Marie Lottin de la Bochonnière, né à Avranches, le 13 messidor de l'an neuf (1801).

Louis Marie Lottin de la Bochonnière

Il fut écuyer et garde du corps de Charles X, grande famille, grand chic dans sa tenue distinguée et originale. Ce fut un journaliste romantique, un polémiste, un être très original. Pour une raison ignorée, le curé de Sainte-Pience lui avait refusé l'absolution... De la Bochonnière entra en transe contre un certain nombre d'ecclésiastiques. Il est dit que Lottin de la Bochonnière était atteint de "la bougeotte"... Après un séjour à l'armée, il habita successivement : Bricqueville-la-Blouette, Coutances, Sainte-Pience de 1741 à 1855, ensuite Avranches et enfin Coutances.

La Chapelle

C'est en 1841, que Lottin fit construire la chapelle encore visible sur les bords de l'étang, sur les vestiges de l'ancien château. Pourquoi cette chapelle ? Dans les notes laissées par Isabelle Plaut, agrégée de l'Université, habitant les lieux et ayant fait des recherches sérieuses sur Le Parc, celle-ci confirmait que cette chapelle n'avait pas été faite pour y dire la messe, mais avait fonction de chapelle funéraire. Un caveau de six places y avait été aménagé. La famille Jonquier-Plaut est catégorique et affirme qu'à un certain moment les cercueils des trois femmes de Lottin de la Bochonnière auraient reposé dans cette chapelle du Vieux Logis. Cette dernière partie du domaine épiscopal, fut vendue par Lottin en 1862. La maison d'Avranches fut revendue après la mort de sa seconde femme en 1864, année où il partit habiter Coutances pour la deuxième et la dernière fois. Ceci l'avait incité à faire un caveau familial dans l'ancien cimetière de Saint-Nicolas, dit cimetière des Carmélites.

 


Les cercueils déménagés à la cloche de bois

Les trois cercueils se trouvant au Parc, furent chargés sur une charrette, et sans plus de souci, Lottin les avait fait déposer dans son caveau de Coutances. Ensuite, averti de la gravité de son acte hors la loi, Lottin fit faire trois cercueils par le menuisier, les aurait convenablement lestés, puis aurait convié le curé à venir procéder à une bénédiction. Tout cela afin d'éviter les poursuites judiciaires. Désormais, tout rentrait dans la légalité.

Les trois femmes

La revue du département de la Manche (T.20 -1978) nous dit que Lottin de la Bochonnière avait contracté mariage deux fois. Mais des témoins sont formels, sur la version des trois femmes et des trois cercueils. Le premier mariage fut contracté avec Honorine-Helwige Chirée de Torigny. Le second avec Louise-Françoise Brault de Saint-James.

Quant au troisième mariage, on suppose qu'il pouvait s'agir d'un mariage de jeunesse dans une ville de garnison ; Lottin serait resté fidèle au cadavre de sa première épouse. A noter qu'il n'est pas fait état dans toute cette histoire de concubinage.

Le Culte aux mortes

Le culte de la mort a pris dans la vie et l'oeuvre de la Bochonnière une importance démeusurée. (Revue de la Manche citée). La tradition orale a-t-elle amplifié les faits ou anecdotes ? le manuscrit d'Isabelle Plaut se basant sur de sérieuses références de sa famille, ne le pensait pas.

Trois souvenirs oraux démontrent que Louis Marie de la Bochonnière rendait souvent visite à ses compagnes. Un témoignage d'Eugène Lemoine de Saint-Nicolas de Coutances disait que le veuf passait une demi-heure dans le caveau où il descendait par un escalier qu'il avait fait aménager ; dans ses mémoires publiées par le chanoine Toussaint ("La maîtrise de la cathédrale" Bellé 1968, p. 85), un Coutançais resté anonyme, se souvient "le voir partir le soir, dans la nuit, se rendant au vieux cimetière Saint Nicolas". Il allait coucher dans la chapelle où trois femmes de sa famille étaient enterrées afin de leur tenir compagnie. Et nous terminerons par un autre témoignage, écrit de Melle Plaut, nous disant que M. Plaut père, accompagné de son grand-père étaient allés faire une visite à leur vieil ami et ancien voisin la Bochonnière. A sa maison on leur avait dit "Monsieur est au cimetière". Ils avaient effectivement trouvé Lottin dans son caveau fort confortablement installé et leur avait offert du très bon vin.

Pour conclure, la chapelle du Parc n'a absolument rien d'épiscopal et son existence n'a rien à voir avec la résidence des évêques d'Avranches.

 


 

LE MANOIR DE LA PORTE

 

Le Manoir de la Porte et sa chapelle
 

Sur la route des Hauts-Vents, reliant Sainte-Pience à Bourguenolles, au fond d'un chemin creux, se trouvent les villages de la Dodemanière et de La Porte ; ce dernier, ancien manoir, possédait sa chapelle sous le vocable de Saint Georges.
Encore un endroit qui dans le passé a dû être superbe, avec un étang et une avenue de châtaigniers.
En 1731, cette dernière fut abattue ce qui mit fin à une belle perspective du site.

►  Les origines

La propriété appartenait à la fin du XVIe siècle à une famille Hullin, nom très répandu dans la région. Celle qui nous concerne avait ses origines à Vains. Jean Hullin, sieur de La Porte fut anobli en 1575. En 1611, la paroisse de Sainte-Pience avait comme curé Richard Hullin qui fut tué d'un coup d'épée sur le grand chemin d'Avranches entre Sainte-Pience et Chavoy. Il était probablement de cette même famille que nous allons retrouver plus tard à La Porte. Le fils de Jean, Georges Hullin, sieur de la Benière, fit bâtir la chapelle en 1662. Rien d'étonnant donc qu'elle fût dédiée à Saint Georges. Ce fondateur la dota d'une rente de cinquante livres payée en deux parties. Dès la fondation, un chapelain y fut affecté. Il devait dire dans la chapelle, et non ailleurs, trois messes chaque semaine ainsi que des litanies de la Vierge avec les oraisons et celle de Saint Joseph avant la messe. Après la messe en De profundis et un libera devaient être chantés. Le chapelain devait, en outre, se fournir pour le pain, le vin et les cierges.

Un acte du 17 mars 1669, passé par M. Claude du Hamel, écuyer, sieur du Boisferand à Moulines en qualité d'exécuteur testamentaire d'André Hulin, sieur de la Nanterie, donna à la dite chapelle une autre rente de 21 livres 8 sols. Par ce second titre, le chapelain devait dire dans la chapelle et non ailleurs, une messe de Beata tous les samedis avec les prières référées de la première dotation.

Georges Hullin possédait à Sainte-Pience, outre le Manoir de La Porte, le Cerisier, l'Autinière, la Dodemanière, la Croix Servain et deux autres petites terres, dont une à La Rimberière.

René du Hamel, seigneur de Moulines, devint l'héritier du fait qu'il était par sa mère, petit-fils de Georges Hullin.

La propriété passa aux de Vauborel qui habitèrent ces lieux. En 1786, est mentionné le décès à Sainte-Pience, de Mme Françoise de Vauborel, âgée de 65 ans, veuve de Jacques Guillaume de Vauborel. C'est pendant cette période, en 1754, que les charges du chapelain furent réduites à 32 messes basses avec les prières.

La propriété de La Porte fut mise en vente et achetée par Guillaume Servain, prêtre, principal du Collège d'Avranches.

Une autre partie des biens de Georges Hullin tomba aux mains des héritiers de Thomas-Gérard Frogerie. Cette part fut vendue.

Guillaume Servain Prêtre à Avranches, il venait d'acheter les biens de La Porte juste avant la Révolution. Ayant refusé de prêter le serment constitutionnel au clergé, il s'exila de 1792 à 1804. A cette date, il est répertorié comme confesseur à Sainte-Pience (répertoire du Clergé de la Manche pendant la Révolution. J.-B Lechat, tome 1). Il mourut à Sainte-Pience, le 27 septembre 1829, où il y était né en 1744, il avait donc 85 ans. Pendant cette période, il acquitta la Porte des messes de fondations. Mais à la fin de sa vie, il avait demandé à M. Loysel, curé du Luot, de devenir son exécuteur testamentaire, lequel régla la question des messes de fondations en 1831 avec l'évêque de Coutances, Mgr Dupont. Ces messes furent acquittées à Sainte-Pience et s'y sont ajouté trente messes basses pour Georges Hullin.

Pendant la Révolution et l'absence de Guillaume Servain, il se peut que la chapelle de la Porte tenait de temps en temps comme autre lieu de culte vu le nombre de prêtres clandestins se trouvant dans la région.

La fin de la chapelle de La Porte.

Après Guillaume Servain, l'édifice n'était plus un lieu de culte. Certains habitants de Sainte-Pience ont bien connu cette chapelle devenue bâtiment agricole. Elle pouvait avoir environ 8 m de long et 5 m de large. Un campanier abritait une petite cloche du genre de la chapelle du Châtelier (voir ci-dessous).

 


La voûte était teinte en bleu et constellée d'étoiles dorées. Un ban de pierres maçonnées était sur les côtés intérieurs de la chapelle. Le bénitier a été conservé ainsi que la croix de granit qui se trouvait sur le surmont de l'ancien édifice et qui est actuellement dans la maçonnerie du manoir restauré et agrandi d'une tourelle. Il est dommage de n'avoir pas retrouvé de traces photographiques.
La chapelle a disparu autour de 1975. Ses pierres ont servi, en partie, à la restauration du manoir.

Les derniers propriétaires de La Porte

En 1831, elle était propriété du sieur Julien Servain. L'héritage passa à la famille Drey de Saint-Jean-des-Champs, qui a vendu les bâtiments en 1972 à M. Louis Jouenne, de Villedieu, lequel avait entrepris la restauration du manoir.
Ensuite Mr et Mme Lagadec ont transformé la propriété en chambres d'hôtes de luxe, puis elle fut rachetée par Mr Marguerite.

 


Sources utilisées : Revue de l'Avranchin 1892 - Répertoire du Clergé pendant la Révolution, J.-B Lechat - témoignages oraux : familles Huard, H. Lejamtel, Mr et Mme Lagadec. Outre les familles qui habitèrent le manoir de La Porte, les registres des deux derniers siècles ne mentionnent aucune famille noble habitant Sainte-Pience, si ce n'est Michel d'Ouessey, sieur de la Valette, décédé à La Rogerie en 1688. Parmi les noms les plus anciens de Sainte-Pience, nous citerons : Servain, Hullin, Lebourgeois, Lejamtel, Redu, Chauvet, Houssin, Boessel, Lecolazet, Lorieux, Lhermite, Thebault, Marquet, Laveille, Yvon et Groult. 


 

LA CHAPELLE DE LA RIMBERDIERE ET L'ACTUEL CALVAIRE, LA DURETIERE, LA GRANGE AUX DIMES

 

 

► La Rimberdière

Ce village est resté l'un des plus importants de la commune. Nous y trouvons de nos jours une petite vingtaine de maisons habitées. Il se situe sur la route de l'ancienne mairie de Sainte-Pience. Ce village avait aussi sa chapelle. Son existence en a été rappelée par un titre de la fabrique. Elle était détruite avant la Révolution et il n'en reste aucune trace.

Si la chapelle est disparue, nous trouvons au carrefour de la Rimberdière et de l'Airie, un calvaire (voir photo ci-dessus).

Avec la date de 1659, l'inscription porte "Guillaume Dufour, prêtre de la crois de la Rilerdière", ce qui semble dire qu'il vivait à cet endroit, ou qu'il y serait mort et avait peut-être le revenu de la chapelle de ce lieu.
Ce calvaire est interessant de par sa position au beau milieu du carrefour de la route de Sainte-Pience à Bourguenolles et du village Les Rochettes à l'Airie. Ses quatre angles du piédestal sont ornés d'un genre de coquilles Saint-Jacques, et trois motifs ornent les côtés d'une façon différente.

Historique du mot :

Raimberdière peut venir du nom de la famille Raimbert - Raim (en vieux français signifie, branche, rame, ... mais aussi carrefour, embranchement de routes...)

la Duretière,

On peut admirer un très remarquable manoir de date indéterminée, mais qui pourrait remonter au XVème siècle. La face Nord comporte une très belle porte en "plein cintre double" similaire à celle de la grange de La Maison Neuve. (Extrait de la soirée des vieilles demeures organisée par la Société d'Archéologie le mercredi 7 juillet 1999 à Sainte-Pience).

Longtemps partagé en deux propriétés, il est de nouveau réuni depuis quelques années. Le bâtiment est construit dans un appareillage extrêmement soigné, et avec des angles en granit impeccablement mis en place. La partie Est comporte un rez-de-chaussée, une cave voûtée, et à l'étage, desservi par un escalier en colimaçon, de fort belle tenue, une pièce unique avec une superbe cheminée, dont les pieds droits sont faits de deux colonnes géminées : elle disparait malheureusement sous un habillage fâcheux. Le manoir est encore équipé de ses deux bretèches, l'une sur le pignon Ouest, l'autre sur la face Nord de la partie Est (les bretèches pouvaient être soient défensives, soit hygiéniques...!). (Recherches de Georges Pichard de Sainte-Pience)


► La Grange aux Dîmes

La commune de Sainte-Pience possède un riche patrimoine bâti et cela n'étonnera personne quand on sait la composition du sol : "sept carrières en granit étaient encore exploitées au début du XXème siècle.
Plusieurs habitants de Sainte-Pience en ont connu encore en activité, voilà une soixantaine d'années.
En 1974, Jacqueline et Maurice Ménard ont acquis le domaine de La Hallerie; "A l'origine la Halle du curé, où se trouvait la grange aux dîmes. Cette grange porte l'inscription : "Gabriel Boessel-Duvivier. L'an onze de la République". Son pignon sud présente une ouverture à chacun des deux étages "le premier plancher recevait la paille et le foin, et le second, juste sous la pointe du toit, le grain". Un magnifique escalier extérieur et un système de verrouillage des ouvertures des fenêtres (une grande barre de bois qui sort du mur par un trou taillé dans la pierre de granit d'un côté de l'ouverture pour traverser porte et fenêtre de part en part et se loger, plaqué contre l'élément de fermeture, dans le mur en face", font de ce lieu un très bel élément du patrimoine ancien.